Bienvenue au pays des merveilles

En ces temps surréalistes de pandémie, il subsiste en vous, une impression particulière que quelque chose vous échappe. En cliquant sur un lien, vous découvrez les propos de ce pseudo « Q ». Il se présente comme membre secret du gouvernement et vous présente les rouages d’un vaste programme destiné à favoriser l’élite progressiste et à vous emprisonner sous son emprise. Vos yeux glissent alors vers les milliers de commentaires et vous réalisez, avec une certaine surprise, qu’une gigantesque communauté d’utilisateurs ressent les mêmes questionnements que vous tout en étant prête à lutter, comme vous, pour la préservation de leurs libertés. Vos « recherches » vous mènent ensuite sur des milliers de vidéos reprenant les propos de Q. À votre tour, vous partagez ce lien Qanon…

« Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre », disait Morpheus, dans Matrix.

Vous avez choisi la pilule rouge et vous avez découvert le fond du terrier. Vous avez découvert un monde où l’on choisit en communauté les éléments « scientifiques » qui prouvent notre impression. Un monde dans lequel on classifie ceux qui n’adhèrent pas à la théorie comme faisant partie du problème. Un monde dans lequel le nombre de voix du même avis sert à légitimer l’impossible. Un monde valorisant dans lequel vous faites maintenant partie des connaisseurs de la réalité. Un monde dans lequel les « on » luttent contre les « ils », sans toutefois savoir précisément qui « ils » sont. Dans ce monde, le doute n’existe plus, le savoir est une évidence dont vous êtes éclairés.  Vous êtes au fond du terrier !

Il est parfois bien difficile de renoncer à devenir l’élu, tel que Néo dans Matrix, d’accepter l’image d’une condition humaine qui n’est pas enracinée sur la maîtrise d’un savoir fondamental à l’espèce humaine. La pilule bleue est clairement moins sexy, elle n’en est pas moins ancrée dans la réalité vérifiable. Avec l’universalité des connaissances, internet nous a aussi ouvert la porte vers l’universalité des opinions. Plus que jamais, il est crucial de faire la différence entre les faits objectivés et les croyances subjectives. C’est une question de responsabilité citoyenne !

Cet article du Blog figure également en dernière page du Nouvelliste ainsi que sur sa version électronique du journal